Quels sont les principaux défis
économiques auxquels la Russie
se trouvera confrontée lors de la
prochaine décennie ?
Il y aura beaucoup de défis, le principal
restant évidemment de retrouver un
taux de croissance meilleur. Le pays
est situé sur une trajectoire comprise
entre 1,5 et 2 %, ce qui est insuffisant
alors qu'il doit assurer une moderni-
sation en profondeur de son écono-
mie et de ses infrastructures. C’est
donc tout l’enjeu des débats qui
ont eu lieu ces derniers mois et qui
se poursuivent dans les cercles de
pouvoir à Moscou. Nous pouvons
convenir que le contexte est à la fois
bon et incertain. Les prix des matières
premières et des hydrocarbures
notamment sont plutôt élevés,
avec un prix du baril à environ 75
dollars, ce qui laisse entrevoir des
marges de manœuvre importantes
pour le budget fédéral russe.
Vladimir Poutine va pouvoir adoucir
certaines mesures, comme le relève-
ment de l’âge de la retraite. Mais ce
n’est que le volet du budget fédéral, il
y a d’autres défis, comme celui de la
productivité, de la modernisation de
l’appareil productif. Tous ces sujets
sont traités : la Coupe du monde qui
bat son plein à l’heure actuelle a été,
du point de vue des autorités russes,
appréhendée comme un projet
d’aménagement du territoire
(1)
. Un
autre défi est celui de la pauvreté,
avec un taux qui avait sensiblement
diminué depuis 2000, mais qui a une
tendance à augmenter de nouveau
ces deux dernières années, avec une
demande sociale forte de la part de la
population. Or les impératifs macro-
économiques et les premières décisions
du gouvernement russe traduisent
une vision davantage libérale, d’opti-
misation.
Quels enseignements tirer de la visite
à Saint-Pétersbourg du Président fran-
çais Emmanuel Macron, en mai 2018,
à l'occasion du Forum économique ?
Rappelons que la France est un
acteur économique majeur en
Russie. Elle a occupé la première
place en flux en termes d’investisse-
ments directs étrangers en 2014,
2015 et 2016 ; nos entreprises ont
donc continué à investir alors que le
pays connaissait la crise. Elles
croient dans le potentiel de ce pays,
et ceci aura des effets positifs en
termes de perception de la part
des partenaires russes. J’observe
d’ailleurs que Vladimir Poutine ne
manque jamais une occasion de
répéter que les investisseurs français
sont restés. Trente-cinq groupes
du CAC 40 sont présents en Russie,
mais aussi beaucoup d’entreprises
familiales, que ce soit dans le secteur
de la grande distribution mais aussi
dans la logistique. Présentes depuis
longtemps, elles font de belles
affaires. La relation économique
franco-russe est très diversifiée : elle
va de l’agriculture et l’agroalimentaire,
jusqu’au nucléaire civil ou l’aéronau-
tique, et ce, malgré les sanctions.
Ces relations ont pu être préservées
dans un contexte politique complexe.
Le plus dur est vraisemblablement
passé. Même s’il y a quelques incer-
titudes qui proviennent non pas de la
Russie, mais des États-Unis, à cause
notamment des sanctions adoptées
le 6 avril 2018 par le Trésor américain.
Cependant, certains groupes confir-
ment et amplifient leur présence,
comme Total qui étend son partenariat
avec Novatek au travers du projet
Arctic LNG 2. EDF a également
remporté en mai 2018 un contrat
pour le développement d’un quartier
durable à Moscou. Une première
pour le groupe en Russie, et une
référence en matière de « smart
city » dans le pays. La French Tech
fonctionne également très bien à
Moscou, et trouve un terreau très
favorable, grâce aux ingénieurs
et mathématiciens russes. De
nombreux partenariats franco-
russes fonctionnent, malgré un
contexte global incertain.
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France - Russie
Les hydrocarbures sont repartis à la hausse, stimulant l’économie russe.
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(1) Entretien réalisé au printemps 2018.
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