M
me l'Ambassadeur de France
en Russie, quel a été votre
sentiment en prenant vos
fonctions en Russie ? Connaissiez-
vous déjà le pays ?
Je connaissais la Russie avant d’y
être nommée ambassadeur. J’étais
en poste à Moscou en tant que jeune
diplomate de 1986 à 1989. Cette pre-
mière expérience sur place, même
s’il s’agissait d’un pays différent, à
l’époque l’Union soviétique de la
Perestroïka, m’aide beaucoup dans
mon travail aujourd’hui. J’ai été très
heureuse de cette affectation et j’ai
eu un grand plaisir à retrouver
Moscou métamorphosée.
Aujourd’hui, c’est une ville avec
toutes les apparences d’une capitale
européenne, animée, agréable à vivre
et dont la vie culturelle est intense.
La Russie contemporaine, excepté
peut-être Saint-Pétersbourg, reste
re l a t i v eme n t mé c o n n u e d e s
Français. La coupe du monde de
football, que nous avons eu la joie et
l’honneur de remporter, a été l’occa-
sion pour les Russes et les visiteurs
étrangers, qui ne seraient peut-être
pas venus autrement, de se rencontrer
et de surmonter un certain nombre
de clichés, ou même parfois de peurs
réciproques. Je me déplace beau-
coup dans ce pays immense pour
nouer des liens car les régions ont
aussi leur importance, y compris sur
le plan économique.
La Russie représente un vaste
marché, sur lequel nos entreprises
sont très présentes. Comment analy-
sez-vous ce contexte économique, avec
quelles opportunités nouvelles, demain,
par exemple en matière de coopéra-
tion scientifique et technique ? Je pense
ici notamment aux relations nouées
en 2018 entre l'Académie des scien-
ces, dont Catherine Bréchignac est
secrétaire perpétuel, et l'Académie
des sciences de Russie…
Les prévisions de croissance pour la
Russie sont aujourd'hui autour de
1,5/2 % pour les trois prochaines
années, ce qui est un niveau relative-
ment modeste. Pour autant, il ne
s'agit que d'une moyenne générale,
certains secteurs pouvant se déve-
lopper à un rythme beaucoup plus
rapide. Par ailleurs, même dans un
environnement sans dynamisme
marqué, un produit ou un service
innovant, ou tout simplement nou-
veau, offert sur le marché russe peut
rencontrer une demande soutenue.
Les opportunités nouvelles les plus
nombreuses sont assurément dans
l'agriculture, l'industrie agroalimen-
taire, la construction automobile,
la pharmacie, la chimie et les
plastiques mais aussi la santé. Par
ailleurs, notre coopération dans le
domaine spatial est riche, et porteuse
pour l’avenir.
La France et la Russie, deux nations
avec une longue tradition scienti-
fique, entretiennent aussi une coopé-
ration solide qui a permis l’émergen-
ce de nombreux projets scientifiques
et plus d’une vingtaine de structures
conjointes de recherche. Cette
coopération, riche et dynamique, n’a
cessé de se renforcer avec le temps
et elle s’exprime annuellement par
plus de 2 000 publications conjointes,
consolidant la position de la France
en tant que partenaire privilégié de
la Russie. Les scientifiques français
et russes coopèrent dans tous les
domaines, en particulier, les mathé-
matiques, la physique, la chimie,
mais aussi les sciences du vivant,
les technologies de l’information en
passant par les communications
quantiques et l’intelligence artificielle.
Nos liens avec la Russie ont toujours
été marqués par une réciprocité
remarquable des échanges scienti-
fiques et une confiance mutuelle. À
titre d’exemple, le Centre national de
la recherche scientifique (CNRS) est
de loin le premier partenaire étran-
ger en Russie où il anime, entre
autres, 17 unités et laboratoires
conjoints de recherche. S’agissant
des deux Académies des sciences,
elles entretiennent des liens scienti-
fiques précieux dans différents sec-
teurs, et la signature du mémoran-
dum d’accord, lors du déplacement
du président Emmanuel Macron à
Saint-Pétersbourg en mai dernier, ne
fait que renforcer une forte inter-
action déjà démontrée par la remise
des Palmes académiques au prési-
dent de l’Académie des sciences de
Russie, Alexandre Serguéiev, par le
secrétaire perpétuel Mme Catherine
Bréchignac, en avril 2018.
La feuille de route entre les deux
ministères chargés de la Recherche,
signée à Saint-Pétersbourg lors du
voyage présidentiel, offre aux scienti-
fiques de nos deux pays le cadre
institutionnel nécessaire pour le
développement sur le terrain de pro-
jets scientifiques et ouvre la voie à
une nouvelle décennie de coopéra-
tion en enseignement supérieur,
recherche et innovation.
En termes de« grands contrats »quels
conseils donner aux entreprises
françaises opérant en Russie ?
S'agissant des grands contrats, deux
conseils semblent devoir être donnés:
6
Ne pas laisser la Russie s’isoler du monde occidental, en particulier de l’Europe,
maintenir le dialogue : la France est un partenaire important pour la Russie, tant sur
le plan politique qu'économique.
S.E. Sylvie BERMANN,
ambassadeur de France en Russie
©DR
La Russie et la France entretiennent
une coopération solide
FRANCE - RUSSIE
